Butembo/Santé : La présence du mari à la CPN, idéale pendant la grossesse mais négligée par la plupart d’époux

Un médecin examine une femme enceinte lors d'une consultation prénatale au centre de santé de Gbaleka, dans le nord de la Côte d'Ivoire. Photo : UNICEF/Frank Dejongh

La Consultation Prénatale (CPN) est très importante pour s’assurer de la bonne évolution de la grossesse jusqu’à la naissance du bébé. Cela, pour réduire le taux des décès maternels dans le monde. Ce service de santé publique est centré sur plusieurs aspects. Des notions d’alimentation de la femme enceinte occupent plus de 60% des échanges entre les professionnels de la santé et les participants aux séances de CPN. Curieusement, environ 90% d’époux ne participent  pas à ce service de santé, par négligence ou  méconnaissance de l’organisation de ce service.

Selon l’UNICEF, en République Démocratique du Congo, 846 femmes su 100 000 meurent des suites d’une grossesse ou d’un accouchement. Une dure réalité. Entretemps, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) démontre qu’une femme qui fait suivre sa grossesse augmente de 87% ses chances d’accoucher sans complications.

Et le ministère de la santé recommande généralement quatre consultations prénatales faites de préférence en couple pendant la grossesse. Ces orientations souffrent d’application en ville de Butembo et environs. Les époux en méconnaissent l’importance ou négligent les avantages.

Docteur KAMBALE KALUNGERO Gervais, médecin traitant au Centre Hospitalier NGOTHE regrette que cette réalité passe inaperçue alors qu’elle attirerait l’attention de la communauté.

« La CPN désigne l’ensemble des consultations faites par un professionnel de la santé chez une femme enceinte en vue de connaitre l’évolution de la grossesse c’est-à-dire les risques y relatifs et les soins à y apporter. Généralement les femmes enceintes débutent avec la CPN en trois mois de grossesse. Malheureusement, en ville de Butembo je constate une faible participation des époux après la première séance alors qu’il serait mieux pour eux de participer même aux séances restantes dans le but de connaitre non seulement  les problèmes ou maladies liés à la grossesse de leurs femmes, mais également la prévention et les traitements de ces maladies y compris le régime alimentaire à suivre pour ces futures mères», explique-t-il.

Docteur KAMBALE KALUNGERO Gervais, médecin traitant au Centre Hospitalier NGOTHE, Butembo/Nord-Kivu.

Renforçant l’idée précédente, Jules VAYIHEKYA, un expert en santé publique explique que négliger la CPN est un manque à gagner pour les familles, surtout sur le plan  de l’alimentation de la future mère et du futur bébé.

« L’alimentation constitue en gros des matières qu’on transmet lors des séances de CPN. C’est là qu’on communique quelle alimentation convient à la femme enceinte pendant le premier trimestre, le deuxième et le troisième trimestre. Et les époux, c’est eux  qui souvent ont les capacités de financier. Ne pas participer à ces séances est une erreur de la part des hommes et cela expose la mère et le bébé à plusieurs dangers et risques », indique-t-il.

Interrogés, la plupart d’époux n’ont pas des réponses convaincantes au sujet du non accompagnement de leurs épouses aux rendez-vous.  « J’avais accompagné ma femme à la CPN seulement puisque le médecin l’avait exigé. En vrai dire, je n’étais pas vraiment intéressé par la séance puisque toute la matière était basée sur la femme. Et j’avais trouvé que ma présence n’était pas importante là-bas », a confié KAMBALE MATABISHI.

Par ailleurs, HANGI Achile, un des conducteurs de taxi moto se dit coincé par le temps. « Mon travail m’exige d’être sur le terrain à tout moment en train de chercher les clients. Alors accompagner ma femme à la CPN, c’est vraiment difficile sinon on risquera de manquer quoi mettre sous la dent », dit-il.

Kakule OMODE (un commerçant), quant à lui donne comme raison de son absence à ces séances « la honte de se retrouver seul parmi les femmes ». « Quand j’avais accompagné ma femme j’étais là un seul homme parmi une vingtaine des femmes. Je dois avouer que je m’étais senti très mal à l’aise », affirme-t-il.

Au regard de certains entretiens réalisés, la majorité des futures mères disent ne pas apprécier l’absence de leurs maris à ces séances. L’une d’elle qui a requis l’anonymat explique : « Moi je vais toujours seule aux CPN. Et lorsque j’essaie d’expliquer à mon mari ce dont j’ai besoin pour la bonne évolution de ma grossesse, il se dispute directement avec moi pensant que j’essaie de profiter de ma grossesse alors que c’est ne pas le cas. Et je trouve que c’est la conséquence de sa non-participation à mes rendez-vous avec le médecin. Ça m’inquiète beaucoup mais je n’ai pas le choix ».

Par contre, Alice Kavira, une mère de trois enfants et actuellement enceinte reste indifférente à ce comportement de la part des époux. Car, dit-elle : « je ne m’inquiète pas de l’absence de mon mari à la CPN puisque ici presque toutes les femmes viennent seules pour se faire consulter ».

À ce sujet, le docteur KAMBALE KALUNGERO Gervais réplique : « Les hommes se créent seulement des échappatoires pour ne pas accompagner leurs femmes. Dire que le temps fait défaut, ce n’est pas une justification valable vue le timing de la CPN. Moi je leurs conseille de chaque fois accompagner leurs épouses aux consultations puisque cela nous permet de bien diagnostiquer et traiter certaines  maladies qui peuvent être liées aux couples. Et même la présence de l’homme aux côtés de sa femme pendant ces consultations est une preuve d’amour et de soutien. Cela rassure l’épouse au niveau  psycho-affectif  et a un effet positif sur le fœtus ».

Abigaël Masika, une des femmes enceintes que nous avons rencontrées à l’hôpital Général de Référence de Matanda entrain de suivre la séance de sensibilisation  pré-CPN avec son mari soutient  l’intervention ci-haut retranscrite.

Elle témoigne en ces termes : « Depuis que je suis mariée, mon mari m’accompagne à toutes les séances de CPN lorsque je tombe enceinte. J’avoue  que je me sens très aimée et protégée puisque il tient toujours compte des conseils prodigués par le médecin. Et à la fin tout se passe bien vraiment».

Son partenaire quant à lui, précise qu’il se sent très à l’aise en accompagnant sa femme à toutes ses séances de CPN. Répondant au nom de Salomon MATINA KAMBALE, il explique qu’il se sent concerné puisque avant tout la grossesse est une affaire du couple.  Pendant ce moment délicat la femme a toujours eu besoin d’une attention particulière de la part de son mari à tous les niveaux, ajoute-t-il.

Le gouvernement, les partenaires techniques et financiers ainsi que la communauté ont chacun un rôle à jouer dans la valorisation de ce service qui se veut incontournable. Du renforcement de l’éducation à l’application et l’appropriation des dispositions, tout se montre capital. Cela permettrait d’évité l’évitable et sauver des vies, surtout de lutter contre les pratiques rétrogrades qui sont souvent à la base des décès maternels.

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